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Mercedes sous les eaux, nous en avons souvent entendu parler par la population. Mais nous n’imaginions pas le vivre. D’autant que sur ce point, l’hiver 2011 fut des plus calmes.
Nous allons pourtant découvrir ce phénomène et - avec notre chance habituelle - "pas qu’une fois".
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19 août - 19 septembre - 8 octobre - 22 octobre...
Pendant cet hiver 2012, nous serons témoins,
et pris au piège, de 4 crues consécutives.
Rien que ça !? |
Si ces crues furent spectaculaires, elles furent aussi pour nous "un mauvais moment à passer". D’autant que nous avions alors sous notre responsabilité Tortuga, le voilier de nos amis "les Ratatons" qui, eux, séjournaient alors dans notre belle France.
Le planning de nos travaux fut donc plus que perturbé.
Avant de poursuivre le récit de ces nouvelles péripéties, nous tenons à préciser que nous nous estimons très chanceux : nous sommes sur un voilier et flottons donc au gré des fluctuations du niveau de l’eau.
Une pensée pour ces pauvres habitants dont les maisons, à quelques mètres du rio, furent envahies d’eau, puis de la boue laissée lors de chaque décrue.
Tenant à garder trace de cette expérience dans ce site (qui, je le rappelle, est aussi notre journal de bord), les pages qui suivent sont le récit détaillé des manœuvres et du stress qu’engendrèrent ces fortes crues, dans le port en général et sur Vent de Folie en particulier - notre poisse légendaire ne nous ayant pas oubliés !
Vous risquez donc de trouver cela « un peu long » - Et bien sachez que… nous aussi !!!
Plus sérieusement, si vous aviez la "flemme" de lire ces pages, cette montée des eaux ayant complètement transformé le paysage autour du rio Negro, je vous conseille toutefois vivement de regarder les photos… assez impressionnantes.
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Nous sommes le samedi 18 août |
Comme chaque fois qu’il pleut, le niveau du Rio Negro monte. L’eau inonde le premier quai, le plus bas du port.
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Le Soriano, catamaran touristique normalement amarré sur ce quai, s’est donc déplacé pour se mettre à couple de Tortuga, le bateau que nous avons en garde. |
Ce petit quai envahi par les eaux, nous avons l’habitude.
Mais cette fois, d’heure en heure, centimètre par centimètre, l'eau du rio ne cesse de monter.
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Nous sommes un peu inquiets et vérifions régulièrement la progression.
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Dans l’après-midi, le rio monte toujours. L’eau atteint le haut du quai auquel nous sommes amarrés.
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L’hydrographie coupe alors le courant dans tout le port.
Avec nos travaux, nous sommes très mal équipés pour vivre sans courant.
Pour toute lumière, nous avons quelques petites loupiottes 12 volts. Et, sans électricité, impossible de faire fonctionner les outils.
Le pire étant le réfrigérateur. Le nôtre étant toujours le petit frigo de bar acheté au Sénégal, fonctionnant sur 220 Volts et trop puissant pour notre convertisseur.
Nous espérons vivement que le courant pourra être rétabli demain.
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…Dans la soirée, l’eau continue de monter, inexorablement.
Pourvu que ça cesse !
Sinon, nous devrons aller jeter l’ancre au milieu du rio, en pleine nuit !
Grrr !
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Dimanche 19 août
Dans la nuit, l’eau monte de 10 centimètres par heure.
Gloups !
Comment je le sais ?
J'ai passé la nuit à vérifier. Vous ne me connaissez pas encore ?!
Car pour ma part, impossible de dormir. Je suis angoissée à l’idée que Vent de Folie puisse se retrouver coincé, non pas contre le quai, mais SUR le quai.
Au petit matin, nous flottons toujours.
Mais l’eau dépasse largement le quai.
Les poteaux auxquels nous sommes amarrés n’émergent plus que d’une dizaine de centimètres.
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Le quai :
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Ces poteaux sont une vraie chance.
Sans eux, Vent de Folie serait monté sur le quai. Or ici, impossible de trouver une grue pour nous remettre à l'eau.
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Notre bateau - sur l’eau - attire déjà nombre de visiteurs.
Alors posé sur le quai, nous attirerions les foules !
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Heureusement, l’eau a cessé de monter. Nous ne sommes pas contraints de bouger.
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Mais cette fois, on, nous enlève purement et simplement les compteurs.
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Et bien !
Connaissant la rapidité d’action de nos amis uruguayens, nous ne sommes pas près d’avoir de nouveau le courant !
Mauvaise langue pensez-vous ?
Je vous assure que non et je vous raconterai plus tard une anecdote qui vous convaincra.
Mais revenons à nos inondations !
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Cet après-midi, sur le port, c'est le défilé. Tout le monde vient voir le spectacle.
On se croirait au zoo. Mais nous n’avons pas droit aux cacahuètes !!!
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Demain, Rémy devra absolument aller en ville. Mais comment sortir ?
Nos amis, Teresita et Santiago ainsi que Marco, toujours aussi prévenants, viennent - de loin - s’enquérir de nos besoins éventuels. Mais aucun n’ayant une barque, ils ne peuvent rien pour nous.
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Ce n’est pas grave !
Mais si dans quelques jours vous ne nous voyez plus, c’est qu’on est morts de faim !!! |
Nous n’avons pas de courant, pourtant nous bossons comme des fous, à l‘ancienne : nous scions, ponçons, perçons - Vive la bonne vieille chignole manuelle !
Tout ça, c’est bon pour les biscotos ! 
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Lundi 20 août
Cette nuit, ce fut le déluge.
Et ce matin, ça continue. L’eau du Rio a donc continué de monter.
Nous sommes évidemment toujours sans courant.
Marre !
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Entre la lumière tamisée (faute de courant), ambiance chambre mortuaire, et cette pluie incessante, ce n'est vraiment pas gai.
Vivement mercredi.
La météo annonce 26 degrés – nous risquons même d’avoir trop chaud.
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Pour l’heure, nous avons un autre problème : Tortuga (le voilier de nos amis, je le répète pour ceux qui liraient en diagonale), est amarré le long du quai, un peu plus loin devant Vent de Folie.
Ne pouvant aller à terre, impossible d’aller voir si tout se passe bien. Des gens nous signalent que le voilier tape les poteaux. Il faudrait revoir la position des défenses.
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Heu…oui… mais... à part à la nage,
on ne voit pas comment faire ? |
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Heureusement, nous pouvons compter sur l’équipage du Soriano, toujours très serviable. Equipés de cuissardes, ils font ce qu’il faut. Cesar et Pipi, le Capitaine et son équipier, ne laisseraient jamais un bateau, quel qu’il soit, risquer de s’abîmer.
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Dans l’après-midi, Rémy se jette à l’eau ! |
Notre annexe, malgré maintes tentatives de "rafistolages", semble bel et bien fichue. Nous ne pouvons plus sortir du bateau.
Pourtant, il va falloir !
Nous n’avons plus rien à manger et Rémy a un important rendez-vous en ville.
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Équipé de bottes et d’un pantalon de pluie, le jean et les chaussures de ville dans un sac à dos, il fait une tentative, espérant trouver les endroits les moins inondés du quai.
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Tentative vaine.
Il commence par descendre sur le poteau, et de là sur le quai.
Le niveau d’eau est plus haut que les bottes …
Gouloup-gloup... les bottes se remplissent immédiatement.
Zut Alors !
Cela dit, vu le fou-rire qu’a provoqué cette anecdote lorsque nous l’avons racontée à notre fille,
il n’a rien regretté !
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Sur une trentaine de mètres entre le quai et la route, il doit y avoir ente 80 cm à 1 mètre d'eau. |
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Rémy laisse donc ses baignoires taille 48 dans le cabanon des gardiens et part courageusement sous une pluie diluvienne.
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Opération inverse pour le retour.
Pas très agréable d’enfiler des bottes trempées. Mais il serait trop risqué de marcher pieds nus sur le quai immergé, très glissant.
Les bottes se remplissent de nouveau et la progression est périlleuse. Mais mon cher et tendre revient à bon port, et nous avons des vivres.
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Gouloup...gloup...gloup...  |
Le soir, l’eau est toujours au même niveau et la pluie n’a pas cessé.
Nous sommes de plus en plus inquiets.
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En amont, il y a un barrage, « la Represa ». Si la pluie continue à ce rythme, il y a de fortes chances pour que ce barrage soit ouvert. Ce qui fera encore monter le niveau du rio, et ce très rapidement.
Quant au site informant de l’ouverture ou la fermeture du barrage, il n’est jamais à jour. La raison ?
Toujours la même : « prévoir » semble être un mot que ne connaissent pas les Uruguayens !
Souhaitons que ce ne soit pas pour cette nuit !
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Mardi 21 août |
Ce matin, la température est estivale. Mais l'eau est encore montée.
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Les poteaux qui délimitent le quai sont désormais, eux aussi, sous l’eau.
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L’eau monte toujours.  |
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Normalement, cet endroit tout le long du quai est une jolie place pavée.
Du jamais vu pour nous ! |
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L’île, en face du port, disparaît peu à peu sous les eaux, les 2 restaurants avec elle. |
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Le pont qui relie cette île aux ramblas a disparu
lui aussi. |
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Et nous apprenons que le barrage a été ouvert.
L’eau va donc encore monter d’au moins 1 mètre.
Il nous faut bouger de toute urgence.
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Lorsque nous aurons mis Tucano, le catamaran de notre ami Marco, à une bouée, il restera le long du quai le Soriano (en panne de moteur), Vent de Folie, et plusieurs bateaux à moteur.
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Mais il y a aussi et surtout Tortuga, dont les propriétaires sont absents et dont, je le rappelle, nous sommes responsables.
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Note : sur cette photo, on aperçoit un tronc d’arbre bloqué contre une amarre.
Ces troncs seront un autre souci quotidien.
Tout au long de l’année, ces troncs (parfois des arbres entiers) sont arrêtés par le pont et personne, jamais, ne les enlève. Libérés pas la crue et poussés par le courant, ils n’ont alors de cesse de dériver vers le quai, se prenant dans les amarres au risque de les casser ou glissant contre la coque dans un bruit infernal.
Ces jours là, nous sommes heureux de n’avoir pas encore repeint la coque !
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Déménagement |
Allumer le moteur une fois par mois est une chose. Prendre la barre et naviguer avec un bateau qui ne nous appartient pas en est une autre.
Une barge vient aider à déplacer le Soriano en le remorquant et propose de déplacer aussi Tortuga.
Parfait !... Quoique ?
Le Soriano décolle du quai … Nous regardons la manœuvre - Gloups ?!
Heu…. Finalement, nous allons le bouger nous même, Tortuga !
Décidément, les Uruguayens ne sont pas plus doués que les Argentins pour les manœuvres de port. En partant, les moteurs du Soriano cognaient le quai. A l’arrivée, le Soriano est dans les arbres.
Ici, chaque manœuvre est un spectacle toujours plus surprenant !
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Rémy n’a jamais manœuvré Tortuga et il s’agit là d’une grande responsabilité. Mais cela est de loin préférable à ce que nous venons de voir.
Marco, venu prêter main forte, est sur Tortuga, son portable comme toujours "scotché" sur une oreille.
Cette fois, cela énerve passablement Rémy déjà stressé par les manœuvres de ce voilier qu’il ne connaît pas, ainsi que par l’urgence.
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Le moteur de Tortuga démarre immédiatement.
Un p'tit coup en marche avant… un autre en marche arrière.
Ah…une barre franche. Soit ! Ça change de Vent de folie mais ça devrait aller.
C’est ce qu’on appelle une prise en main rapide.
Allez, pas le temps de réfléchir davantage.
L’eau monte toujours et de plus en plus rapidement.
Faut y aller !
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La première difficulté va être d’ôter les amarres attachées aux poteaux totalement immergés, donc invisibles. Heureusement, Attilio, propriétaire d’un petit voilier et aussi efficace que réservé, est arrivé avec sa barque.
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Il plonge les bras dans l'eau et ôte les amarres.
Tortuga est largué !
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Marco (toujours au téléphone) ne va pas tarder à l’être - largué - par le Capitaine, si j’en crois le regard de mon mari !!!
Désormais, Rémy ne peut donc compter que sur lui-même.
Je suis inquiète et regrette de ne pas l’avoir accompagné, pensant qu’il avait assez d’aide.
Mais c’était sans compter sur le talent de mon Capitaine bien-aimé.
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Tout se passe pour le mieux.
Marco a même lâché sa "prothèse téléphonique" !
Je le vois qui ajuste les pare-battages. |
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Tortuga s’éloigne tranquillement du quai pour être amarré un peu plus loin, sur le grand quai, comme nous l’a conseillé le Capitaine du Soriano.
Attilio et l’équipage du Soriano sont là, prêts à aider pour l’amarrage.
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Hélas, pour Vent de Folie, la manœuvre se déroule beaucoup moins bien. |
Suite à la panne sur le treuil de la dérive (cf. dernier voyage à Gualeguaychu), nous pensions avoir le temps pour réparer.
Grossière erreur.
Sur un bateau, il faut toujours être prêt pour un éventuel départ.
Ne pouvant donc descendre la dérive et le courant étant très fort sur le rio, notre "15 tonnes" n’est pas du tout manoeuvrant.
Rémy tente de reculer en virant sur bâbord. Mais Vent de Folie n’en fait qu’à sa tête et l’arrière vire inexorablement vers le quai.
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Bruit de tôle froissée…
Je regarde : une partie en métal émerge anormalement de l’eau.
Le safran auxiliaire est passé sur le gros poteau de bois et s’est plié sous la pression.
Marre !!! Encore un truc à réparer !
Et impossible de le faire ici, puisque impossible de mettre le bateau à sec.
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Souhaitons que cela ne gênera pas trop pour les manœuvres. Car ce safran devra rester en l’état pour encore très longtemps.
Une chance que cela ne soit pas arrivé avec Tortuga. Jamais nous ne nous le serions pardonné.
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(Découverte des dégâts et réparation en juillet 2014, soient 2 ans plus tard, lors du carénage ) |
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La suite se passe mieux et Rémy amène Vent de Folie vers le grand quai, à couple de Tortuga. |
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Nos 2 bateaux aciers se tiennent compagnie.
Le Soriano est devant.
Viennent alors s’agglutiner contre ce quai, haut mais très court, tous les autres petits bateaux.
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Le port est une vraie ruche.
Chacun tente de donner un coup de main.
Sympa !
Mais pour les amarrages, il faut le voir pour le croire !
Les noeuds sont doublés… triplés… et on serre bien… au cas où ! |
Aucun de ces hommes, pleins de bonne volonté reconnaissons-le, ne sait faire un vrai nœud marin, qui a le propre de pouvoir être détaché facilement. Entre l’entassement de bateaux et ces nœuds, s’il y a urgence, jamais nous ne pourrons sortir de là.
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Et ça, mon Capitaine n’aime pas beaucoup !
Mais bon !
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En attendant, nous profitons d’avoir les pieds au sec, ou presque, en sortant du bateau pour aller faire quelques courses, mais surtout prendre une bonne douche et nous détendre un peu.
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Un heureux Capitaine.
Mais décidément, il ne peut s’abstenir de patauger dans l’eau !!!
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Un heureux Second, dans les bras de son Capitaine préféré ! |
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Ensuite, nous aurons intérêt à bien nous reposer.
Car contre ce quai, en temps normal, il y a peu d'eau. Dès que le niveau du rio baissera, il faudra donc au plus vite, pour nos 2 voiliers, faire la manoeuvre inverse.
Chiants ces rios !
(Dixit le Capitaine. Moi, je ne me serais jamais permise !?)
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Mais pour l'instant, il fait très beau. Ce quai est beaucoup plus haut que l’autre. Et nous sommes bien amarrés.
Après ces 2 jours éprouvants pour les nerfs, nous sommes de nouveau en sécurité.
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Cette nuit, je vais enfin pouvoir dormir. |
En attendant, je vais faire quelques courses. Mais les prochains menus seront végétariens, puisque sans frigo, point de viande.
Après ces 3 jours cloîtrée sur Vent de Folie, je reviens ravie d’avoir pu enfin marcher.
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Quant au port, ce n’est plus vraiment un port.
Autour, on ne voit que de l’eau.
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Le quai |

La cabane des gardiens
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Le port
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La route le long du rio ("las ramblas")
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Curieuse impression... Mais c’est beau !
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