Le retour de Favignana aux Baléares :

Carloforte

 

Lundi 5 juin 2006

… Ayant quitté Favignana, nous pouvons enfin reprendre une activité normale !

Le vent sud-ouest annoncé est en fait nord-ouest. Comme d’hab. !
A cette allure toujours aussi inconfortable, impossible de tenir à l’intérieur. Seul Rémy s’y ballade à son aise.
Et il fait toujours aussi froid.

Quand je vous dis qu’il fait froid…

Même Rémy a sorti la veste polaire ! ... Moi ?... J’ai juste 4 pulls, la parka, les gants, la cagoule sans oublier les chaussettes !!!
Il est 16 heures lorsque le pilote automatique, au réveil aussi difficile que Candice, décide de fonctionner.
  file sur l'eau.


Enfin quand je dis file… il tape dans le creux des vagues, relève le nez, tape de nouveau. . . GENIAL ?! (Pour ceux qui l'ignorent, c'est ce qu'on appelle "faire du près").

Que font-ils là ?

On admire les dauphins.

Une rencontre dont on ne se lasse jamais.

La traversée - En voici une qui ne risque pas me réconcilier avec la navigation !

Après avoir été chahutés durant des heures, au petit matin : mer plate, pas de vent.

Les marins appellent ceci «Un temps de demoiselle»

Puis de nouveau le vent se lève, contraire et la houle de face.

Devant économiser le moteur (vous verrez pourquoi un peu plus loin ?!), nous tirons des bords (pour mes chers(es) néophytes que je n’oublie  pas puisqu‘il n’ y a pas si longtemps, j’en faisais partie , tirer des bords signifie naviguer en «zigzag» afin de prendre le vent là où il veut bien se trouver !)… à une vitesse de 3 nœuds, nous ne sommes pas arrivés !!!

La nuit tombe, chacun enfile gilet et harnais (que Rémy s’est enfin décidé à porter la nuit quelque soit le temps. Merci à tous ceux qui m’ont aidée à l’en persuader … grâce à vous je parviens désormais à dormir... quand ça ne bouge pas trop !)

Et alors que j’allais écrire qu’il n’y a vraiment rien à faire en navigation… je vais juste lister ce qui nous a si bien occupés :

  • L’eau de mer est entrée dans le bateau. Nous avons du clapot sous les planchers (!). Avec la gîte d’un côté ou de l’autre, ce doit être joli dans les coffres!

  • Pour vider, nous sortons notre petite mais efficace pompe électrique (la pompe de cale est tellement grosse qu’il doit falloir 3 mètres d’eau avant qu’elle ne se déclenche. Nous ne savons donc même pas si elle fonctionne bien). Mais la rallonge 12 volts ne veut pas se mettre en marche. Je vide avec l’écope alors que Rémy balance les seaux d’eau dans le cockpit !

  • Arrivés à la cale moteur… ce n’est plus de l’eau…. C’est de l’huile… plein d’huile… et plus une goutte dans le moteur. Quant à la réserve : un fond de bidon – errare humanum est – (voilà pourquoi nous devons économiser le moteur indispensable pour l’entrée au port !)

  • Les 2 WC se bloquent.

  • 1 heure du matin, Candice remarque que l’éolienne est à l’horizontale, prête à tomber. Nous réveillons Rémy et nous voici, en pleine nuit, grimpés sur le portique afin de la redresser et la «ficeler».

  • Tentant de serrer le vent au maximum afin de ne pas trop nous éloigner du cap, nous étions toujours limite. Nous avons donc fait plus d’un tour sur nous même. Nos lignes de pêche se sont "entortillées" autour des safrans et probablement de l’hélice (merci le coupe orin ! Sans lui, il nous fallait plonger immédiatement). Tout ça pour ne jamais voir la queue d’un poisson!

  • Et histoire de remonter le moral des troupes, 5 heures du mat., Fangio a inondé le lit de Candice ! (et ça lui arrive de plus en plus souvent?!!)

Entre tout ce qui est tombé, tout ce que nous n’avons pas rangé car trop fatigués ou parce que ça bouge trop, tout ce que nous avons sorti pour tenter de débloquer les WC, vider les fonds…

J’espère que la visite vous plait?... Pour ma part, ceux qui me connaissent imaginent déjà dans quel état je suis!!!
Le bateau est un vrai champ de bataille !

De même que je ne regarde pas les dégâts dans les coffres, Rémy ne veut pas savoir d’où vient la fuite d’huile. D’autant qu’il faudrait pour cela vider les coffres de la cabine de Candice (notre moteur étant toujours aussi accessible ?!)

Et, comme vous le constatez, je n’ai aucune envie, cette fois, d’y mettre de l’humour.
Rémy et moi en avons marre.

Nous sommes épuisés physiquement et moralement.
Nous n’en parlons même pas. Inutile. Nous nous tenons la main. Chacun sait ce que pense l’autre. Nous qui étions si heureux à l’idée d’atteindre les Canaries, puis le Cap Vert et le Sénégal !
On ne sait pas… On ne sait plus!
 
Certes nos soucis ne sont jamais graves et nous nous en sommes toujours bien sortis. Mais ça commence vraiment à bien faire.
Quel mauvais sort s’est jeté sur nous ? Ce bateau nous use !!!
. . .

En pleine nuit, le vent nous a laissés tomber. Nous avons été contraints d’allumer le moteur.

Advienne que pourra…

... 10 heures, alors que nous approchons enfin des côtes de la Sardaigne, la brume se lève comme pour noyer notre mélancolie et nous forcer à nous maintenir éveillés. Rémy surveille le radar et le sondeur. Il entreprend même de réparer les WC.

   Je me demande comment il tient encore debout ?!

Carloforte

Notre brave vieux moteur a tenu le coup.
Mercredi 7 juin , nous arrivons sans encombre au port de Carloforte après 48 heures de navigation et une seule envie :

- DORMIR -


Mais nous avons bien d’autres choses à faire et ne devons pas nous éterniser car la météo annoncée pour les 2 jours à venir (est/ sud-est) nous permettra peut-être de naviguer dans de meilleures conditions que celles-ci.

Notre éolienne avec son air penché !!!
(elle finira sur le pont... avec le reste!)

Rémy plonge dans le port afin de démêler nos lignes de pêche des safrans et surtout de l’hélice, reboucher les trous d’évacuation de la baille à mouillage, raison de cette entrée d’eau.
A peine sorti de l'eau, transi de froid mais surtout de fatigue, il devra se contorsionner dans le moteur (raison de la fuite d’huile : les vis de fixation du cache culbuteurs s’étaient desserrées).

18h 30 – Tout est OK – Rémy n’en peut plus.
Il va dormir.
Pour ma part, je préfère écrire, cela m’évitera de penser ?!

Nous nous accordons finalement une journée sur cette île. D’une part, nous nous levons à plus de 11 heures, d’autre part, voici un mois que nous n’avons profité des avantages (eau, électricité) d’un port.


La journée fut donc bien remplie !

Notre petite machine tunisienne n’a encore pas démérité. Elle tourna 5 heures non stop.

Sur les fils, le linge à peine sec est aussitôt remplacé. Le pont ressemble à la cour d’une lavandière.

Et après avoir rincé et essoré tout l’après midi, Rémy et moi sommes prêts pour le concours de Monsieur Muscles 2006 !

Quelques courses sans oublier le stock de fromages sardes (garanti un mois sans insecte !), plein des réservoirs et des bidons, lavage du pont,… Une journée au port, quoi !!!

Vendredi 9 juin, départ 11 heures.

Un léger vent de sud-ouest nous accompagne mais trop faible pour naviguer à la voile.
Il fait un temps superbe - La mer est turquoise - Ces îles sont magnifiques.
Le moral remonte et nous en avions grand besoin !

En début d’après midi, nous mettons les voiles.
Un bon vent de sud pousse à 6/7 nœuds parfois 8.


Candice et moi n’apprécions pas vraiment la houle de travers. Mais bon ! A choisir, c’est nettement mieux que la houle de face subie lors de notre précédente traversée !!!

Rémy, lui, trouve cela « agréable ».
Il l’aurait même à peine remarquée si une belle vague n’avait entraîné un beau départ au lof.
J’explique : une vague fait basculer le bateau, le vent se prenant dans la grand-voile le bateau tourne rapidement vers le lit du vent en gîtant beaucoup trop à mon goût !!!

Une montée d’adrénaline me fait, comme chaque fois, crier : «Rémy !» comme s’il y pouvait quelque chose, et entraîne aussitôt un fou rire bien partagé par le père et la fille…

Rémy trempé après le départ au lof…


… non par la vague... mais par la bouteille d’eau que je tenais à la main lorsqu’ils se moquèrent de moi !!!

En soirée, ce fichu vent nous laisse choir une fois de plus. Ce sera «Moteur» jusqu’à notre arrivée. Mais il fait beau, la houle se calme et nos amis les dauphins sont de nouveau au rendez-vous pour faire un bout de chemin avec nous.

Nous, croiserons quelques tortues faisant placidement chemin inverse.

A ce rythme, notre arrivée à Mahon devant avoir lieu en pleine nuit (vers 2 heures du matin), nous nous demandons ce que nous ferons. Le chenal est facile d’accès mais, même si nous connaissons le mouillage, il est toujours délicat d’arriver de nuit.

Et bien, la question ne se posera plus.

13h 30, réveillée par l’arrêt du moteur qui me berçait (?), je me lève.
Le carré est envahi du contenu du coffre moteur et Rémy est DANS le coffre moteur.

Que se passe-t-il encore ?

Une des fameuses, pénibles, enquiquinantes, et puis tiens… chieuses, emmerdantes, … drosses de la barre a encore cassé. Mais cette fois, dessous !!!
Elle s’est même payée le vice de s’entortiller autour de la chaîne du pilote automatique.

Rémy passera 4 heures dans ce coffre, démontant le pilote, tentant de faire tenir les serres câbles, de décoincer la drosse qui prend un malin plaisir à se coincer sous une des poulies à l’endroit le moins accessible. Après chaque essai, elle se coince encore… Il faut recommencer…

… Je l’entends jurer, gémir de douleur, se décourager, à 2 doigts de tout laisser tomber…

Il ressortira noir des pieds à la tête et, tel un fakir, bras et cuisses couverts d’estafilades provoquées par les différents boulons, colliers et autre quincaillerie sur lesquels il était allongé.

Candice, qui heureusement aime toujours la nuit à condition de disposer de suffisamment de piles pour la lampe frontale et de 3 kilos de bouquins, fera toute la nuit. Nous pouvons nous reposer.

Merci ma puce !

Mahon (Minorca) ... dans un prochain épisode !!!


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