Kelibia - Beni Khiar - Hergla
Avant de poursuivre : Avez-vous bien dégusté notre poisson d'avril ?

(Si vous n'avez pas eu le temps de le déguster, c'est que vous ne nous lisez pas assez régulièrement.)

Si vous avez prêté foi à notre petit mensonge, c'est peut-être parce que vous êtes un peu naïf(ve)
- mais ça, après tout, n'est-ce pas une qualité? -
c'est aussi que vous ne me connaissez pas encore très bien, et là, vous êtes excusés(ées),
mais surtout, vous ne lisez pas bien la page d'accueil où nous indiquons, toujours, la date de mise à jour !!!

La seule vérité dans tout ceci est que nous quitterons Kelibia lundi 3 avril.

Malgré des activités très prenantes et une bande d'amis bien sympathiques, Candice vient avec nous … et seule !
Merci à elle d'avoir accepté cette petite blague à ses dépens!
Merci à vous pour vos nombreux messages compatissants.


Allez, pour me faire pardonner,
je vous emmène au souk, dans la médina de Tunis:

Après 2 heures en voiture de louage, nous arrivons sains et saufs à Tunis.
Avec le chauffeur sur lequel nous sommes tombés ce n'était pas gagné. Plus d'une fois, lors de dépassements où nous nous retrouvions 3 voitures sur une 2 voies (?!), j'ai vu ma dernière heure arriver.

La principale entrée du souk se trouve Porte de France :

Après une pause "Keftazi (?)" (délicieux sandwich avec sauce aux légumes épicée et frites), nous nous laissons entraîner par un vendeur d'essences de parfum désireux de nous montrer un endroit important.
Nous entrons dans un magasin de tapis (magasin d'état).
Au 1er étage, il est fier de nous montrer les photos encadrées de Chirac, Mitterrand, Pasqua et autres personnalités françaises nous ayant précédés dans cet endroit.
Par le 2ème étage, nous accédons aux terrasses des 4 femmes du Bey (nom que l'on donnait au "gouverneur" de la Tunisie), avec une vue imprenable sur la ville.
Nous poursuivons notre "lèche boutique" dans les vieilles rues de la médina, admirant les voûtes et les portes sculptées.

Candice et moi ne cessons de marchander, pour le plaisir, enfin... pour notre seul plaisir, car pour Rémy, le "lèche boutique"… Bof!... et marchander … 3 fois Bof !!!

Sur le chemin du retour, attirés par une musique militaire, nous passons devant les Ministères (Finances à gauche, Premier ministre à droite).

Sur la place du 7 novembre (date de l'accession au pouvoir de Ben Ali) devant l'Hôtel des mariages, des gardes dans leurs plus beaux atours, sous un soleil éblouissant, abaissent le drapeau, le plient soigneusement et l'emmènent en musique et au pas, au ministère de la Défense . . . comme ils le font chaque jour !!! (J'évoquerais un peu plus loin ce cher Président).

Au port, depuis 1 bonne semaine, nous avons un peu chaud… 26 °C la journée !

Les bateaux depuis 1 semaine se succèdent sur ce ponton, arrivant de différents ports de Tunisie. Kelibia étant l'escale la plus proche de la Sicile.

L'autorisation de séjour en Tunisie n'est valable que 3 mois.

Passé ce délai, chaque bateau souhaitant demeurer en Tunisie fait donc un aller-retour sur Pantelleria, afin de faire tamponner les passeports.
Ayant quitté le pays, preuve à l'appui et indépendamment de la durée, il est alors de nouveau possible à l'équipage de remettre les pieds sur le sol tunisien . . . pour 3 mois.

Les nombreux navigateurs passant l'hiver à Monastir ont donc le choix entre prendre la mer, même en plein hiver, ou régler 10 dinars par semaine de retard (inévitable en cas de mauvais temps).
Beaucoup saisissent cette occasion pour laisser leurs bateaux au port et rentrer en Europe passer les fêtes de fin d'année en famille (et faire leurs déclarations d'impôts).

Nous profitons donc de cette sympathique et conviviale ambiance qu'offre la "vie de ponton" et que nous n'avions pas vécue depuis bien longtemps.
Nous retrouverons nombre d'entre eux à Monastir. L'ambiance devrait donc y être très sympa.

Anecdote : En Tunisie, même pour quitter un port via un autre port tunisien, la paperasserie semble être un vrai casse-tête.

Un navigateur arrive de Sidi Bou Saïd assez contrarié:
Ayant, comme il se doit, signaler son départ aux douanes et à la police des frontières , ceux-ci lui font signer les documents officiels et le laissent quitter Sidi Bou Saïd . . . sauf qu'ils omettent UN "papier".
Quelques milles plus tard, la Garde Nationale le rattrape en mer et le contraint de faire demi-tour.
Il leur était bien sûr impossible de venir à sa rencontre avec ledit papier!
. . . Ceci après 3 heures de navigation… nous serions plus que contrariés!!!

Nous sommes à Kelibia depuis un mois et demi, nous ne sommes toujours pas monté au Fort, emblème de la ville.
Notre départ étant imminent, il est grand temps!
La vue est magnifique.
Lundi 3 avril.

Hier, un bateau battant pavillon italien, fait une entrée remarquée dans le port. Le temps est magnifique mais le vent souffle.Le moteur vient de les "lâcher", ils tentent une arrivée au génois. Ils foncent droit sur le bateau de pêche en face du ponton. Tirés ensuite par une barque, ils parviendront à venir accoster derrière nous.
Aidés d'un policier, nous courrons l'un sur le quai, les autres sur les 2 bateaux déjà à couple afin de les "récupérer".
Dans un silence total, les 3 équipiers livides suivent nos ordres tels des automates.
Ils ont eu très peur.

Aujourd'hui c'est notre tour … notre plus grosse frayeur depuis le début de notre croisière et nous l'espérons la plus grande avant la fin !

Avant notre départ, nous devons faire le plein de gaz oil. Dès que le vent montre le bout de son nez, les bateaux de pêche restent au port, envahissant le quai du carburant.

Notre seule solution est de nous amarrer à l'un d'eux.

Rémy hésite, la manœuvre ne lui plait guère mais nous y allons.

Sur ces bateaux, le danger est l'énorme tangon en acier permettant d'accrocher le filet de pêche qui dépasse de chaque côté et peut arracher un de nos haubans (câbles retenant le mât).

L'accostage se passe relativement bien mais le vent qui forcit nous plaque contre le chalutier.

Le départ s'annonce donc beaucoup plus périlleux.
Rémy, inquiet, analyse la situation.

Nous devons larguer l'arrière afin de nous écarter de cette masse d'acier, puis l'avant et partir le plus vite possible avant d'être de nouveau repoussés par le vent.

L'arrière est largué. Marche avant pour faire pivoter le voilier, puis marche arrière toute …

Soudain, sous la traction de l'amarre avant toujours attachée, un chandelier (barres verticales sur les bords dans lesquelles passent les filières) se plie, la filière casse, il m'est alors impossible de desserrer l'amarre. Elle est coincée.
Notre bateau tape … devant, … derrière, … nous sommes tous trois paniqués, courant de tout côté, tentant de repousser ce monstre.

Des pêcheurs accourent sur le chalutier, poussent sur les balcons… Nous ne parvenons pas à nous dégager.
Nous allons fracasser notre bateau… Je vois des semaines de travail anéanties en quelques secondes… Je hurle, je jure, je tape du point contre notre ennemi…

Les haubans frôlant sans cesse cet "éperon" en acier, chacun de nous à cet instant envisage que le mât peut tomber d'une minute à l'autre.
Nous déployons toutes nos forces pour sauver notre bateau et, comme souvent dans ces situations, ne pensons pas suffisamment que nos vies sont bien plus importantes.

Très sérieusement, que ceux qui croisent nos mères leur taisent ce qui suit:

Voyant le tangon de pêche avancer dangereusement sur le génois, je m'appuie sur ce dernier et pousse de toutes mes forces, en vain.
Ma tête est soudain prise en étau entre les deux et je n'ai qu'une seconde pour me tordre le cou et m'extirper.
Quelques secondes plus tard, le tangon heurte cette fois le pataras (hauban arrière) par l'arrière. Rémy enclenche rapidement et à fond la marche avant.
Candice regarde à l'arrière et crie "Attention le portique va toucher!".
Rémy, livide, descend de nouveau dans le cockpit - marche arrière à fond - remonte et tente de pousser.


Un bruit terrible d'acier qui se broie s'est fait entendre.

Candice, persuadée que le mât va tomber, s'est jetée à genou sur le pont.
Je pense, pour ma part, que notre pauvre voilier vit sa dernière heure en mer.
Rémy qui s'occupe à la fois du moteur, de la barre, de repousser le bateau … n'entend rien. Mais surtout, il ne réalise pas qu'à son tour il va se retrouver coincé entre notre portique en acier et cet effroyable tangon.

Je hurle : "Rémy, le portique, ta tête!"…
Sans comprendre il se retourne et évite ainsi le pire.


Je ne sais combien de temps a duré cette épreuve, mais, moteur à fond, nous sommes enfin partis.
Nous sommes choqués, éreintés… mais tellement soulagés!

Analyse des dégâts :
Un chandelier plié (que Rémy parviendra à redresser… nous nous demandons où il puise encore des forces!), la filière cassée, quelques éraflures sur la coque et notre portique semble s'être incliné légèrement vers tribord; les soudures des barres horizontales ayant quelque peu souffert et les fixations diverses sur celui-ci s'étant déplacées de quelques centimètres.

Bref, rien d'irréversible à priori. Nous avons eu beaucoup de chance!

Ce bruit incroyable que nous avons entendu Candice et moi venait-il du portique, du pataras qui, heurtant le tangon du chalutier, aurait fait vibrer le mât et donc la coque?
Nous ne le saurons sans doute jamais…

Tout ceci pour 20 litres de gaz oil, …
le tuyau n'était pas assez long pour chevaucher 2 chalutiers et parvenir jusqu'à nous ?!!!
Et cette fois , hélas, ce n'était pas un poisson d'avril.


La suite du voyage se passe bien. Le vent est beaucoup moins fort en mer. Un ris sur la grand-voile et la trinquette nous permettent d'atteindre une vitesse de 7 à 8 nœuds.

Rémy apprécie ce calme retrouvé. Candice, très fatiguée, dormira tout l'après midi. Pour ma part, je ne me sens pas bien du tout.

Durant ces 5 heures de navigation je réfléchis au déroulement de ces manœuvres.

    J'en veux à Rémy d'avoir pris le départ avec ce vent que je déteste. Il avait pourtant raison, sans lui nous faisions encore tout au moteur.
    J'en veux à ces chalutiers qui prennent toutes les places sans se soucier des bateaux de plaisance.
   J'en veux à ce gros imbécile (un propriétaire de chalutier) qui choisit ce moment pour nous lancer ses invectives. Nous comparant à un cargo, nous pouvions d'après lui partir sans encombre ?!
    Mais j'en veux surtout à moi-même.

Faisant défiler une à une les images de ces manœuvres, je réalise que je n'ai pas lâché suffisamment tôt cette amarre avant. Le balcon n'aurait alors pas cédé et surtout nous serions peut-être partis sans dommage… Rémy, de son côté, se demandera plus tard s'il n'aurait pas dû agir différemment lorsque l'avant s'est trouvé retenu.

… Mais ce qui est fait est fait!

Si nous devons tirer quelque leçon de cette mésaventure et donner un conseil aux navigateurs qui nous lisent:
Écouter son instinct (Rémy souhaitait partir mais ne "sentait" aucunement cet accostage), mais surtout toujours penser d'abord à soi, avant le bateau … pas évident dans l'instant!

Les marins disent : "En mer, le danger c'est la terre." … c'est aussi les ports !

A 17 heures, nous entrons dans le petit port de Beni Khiar.

La journée n'ayant pas été suffisamment éprouvante, le fond baisse rapidement… nous touchons.

Alors que Rémy remonte la dérive, je prends la barre.
Le stress de la matinée aidant et ne comprenant pas la manœuvre à faire pour nous éloigner de la digue, je craque littéralement.
Candice, toujours maîtresse d'elle-même, enclenche la marche arrière.
Nous ressortons ... Mes nerfs lâchent … Je n'en peux plus …

Lorsque nous entrons enfin, nous sommes accueillis avec chaleur par Salem. Les bonjours des quelques pêcheurs et de nos voisins tunisiens, le soleil et le charme de ce minuscule port de pêche situé en pleine campagne me permettent de retrouver mon calme…. Enfin !

Nous y retrouvons notre ami Kaled, rencontré à Kelibia, travaillant comme Salem sur un bateau pirate où Candice, "La Princesse", pourra aller étudier à l'ombre et au calme.
Après la pluie vient heureusement toujours le beau temps !

Jeudi 6 avril, nous sommes à Hergla,
encore un tout petit port de pêche au sud de Hammamet, dernière escale avant Monastir.

Vous aurez compris que nous sommes beaucoup plus attirés par ceux-ci que par les lieux touristiques.
Malgré des conditions d'accostage très aléatoires, l'absence totale de confort, d'eau et d'électricité, il est tellement agréable de se retrouver au sein de la population locale, d'être aidés, comme ici, par l'ensemble des pêcheurs d'un quai à l'autre.
A peine 5 minutes après notre arrivée, Rémy est invité à boire un thé et visiter la cabine du capitaine.

Les pêcheurs sont contents mais surpris que nous préférions leur petit port, …
… à celui d'Hammamet ou El Kantaoui

(Port El Kantaoui)

Pour nous, il n'y a pas photo !!!

Ce village est typique et magnifique.

Les femmes portent le costume du sud :

La population est adorable.

Un petit commerçant des plus avenant nous présente sa femme et son père. Après maintes plaisanteries, il nous fait humblement remarquer : "Il est beau notre village, hein! Ici il n'y a pas tourisme. Avec tourisme, l'esprit y change vous savez!" … et de pointer son front du bout de l'index. . . Combien a-t-il raison!

Je regrette vraiment de ne pas y demeurer quelques temps. Que d'agréables rencontres aurions-nous fait!

Mais comme toujours, le temps passe trop vite. Nous avons encore tant de choses à voir et l'échéance du Brevet nous oblige à nous presser.

Nous quittons donc ce petit paradis pour Monastir…


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