La Tunisie

(février - mars 2006)

Kelibia
Samedi 18 février 16 heures, nous sommes tous ravis de mettre enfin le pied sur le sol africain.
Candice, depuis toujours très attirée par la civilisation arabe, retrouve son sourire et ne contient plus son excitation.
Nous entrons dans le joli port de pêche de Kelibia où Habib nous accueille.


Dès les formalités d'usage accomplies (que l'on doit courtoisement solliciter dès l'arrivée dans un pays étranger en hissant le drapeau jaune à bâbord), le gentil Habib nous entraîne sans perdre de temps visiter la zone portuaire.

Une heure plus tard, il nous a déjà :


. Emmenés au bureau de change c'est à dire la station service du port (1 euro = 1,5 dinar),
. Fait visiter le restaurant "Le Goéland" qui nous propose déjà une table ("Mais laissez-nous donc arriver!"),
. Offert un succulent thé à la menthe, ne nous laissant guère le temps de sortir nos dinars,
. Présenté son cousin mécanicien (dont le coq et les poules envahissent l'atelier).

Nous avions en effet évoqué rapidement les divers travaux que nous aurions à faire notamment notre cher moteur d'annexe à réparer (vous savez, celui qui nous a lâché depuis bien longtemps après nous avoir causé tant d'ennuis et sur lequel personne jusqu'alors n'a bien voulu se pencher alors que seul un gros boulon complètement grippé empêche de changer la turbine!).

Et bien ici: "Pas di problème. Ti me dis quand tu veux que ji serai là et ji serai là. Ji dégrippe et j'i amène li moteur à un copain que c'est son travail di changer le turbine!"

Le moteur est déposé 1 heure plus tard, le lendemain le boulon est enlevé et notre moteur est l'on ne sait où, mais nous reviendra réparé dans 1 semaine. A suivre!

                                                                 Ce port nous plait bien.

Candice, intimidée par tous les regards qui se posent sur nous (et surtout sur elle), trouve malgré tout ce coin "super" et souhaite rester.

Le port dispose d'une énorme grue, de nombreux bateaux sont d'ailleurs en chantier à sec et il semble qu'ici, tout soit possible.

Exemple du système "débrouille" des tunisiens:
Outre le problème de notre moteur hors bord; en Espagne ou en Italie, trouver le bon boulon, le bon joint ou le bon raccord s'avérait un vrai casse tête.
Rémy cherche par exemple depuis des mois un raccord de plomberie permettant de relier un tuyau de 16 à un autre de 10.
Nous allons dès le lendemain au "petit village" à 500 mètres du port (le grand village, c'est-à-dire le centre ville, se trouvant à 2,5km).
Première boutique, ils n'ont pas.
Soit! On vous installe un morceau de cuivre du bon diamètre de chaque côté du raccord et ça marche!

C'est donc à Kelibia que nous referons une beauté à notre pauvre Vent de Folie et ce sans plus attendre car il en a bien besoin!

Au programme :

- Réparation de la jupe arrière (bien "amochée" dès le départ lors de manœuvres de port).
- Réfection des fargues (protections en bois des bords extérieurs du bateau), cassées elles aussi.
- Mise en place d'une protection solide sur l'étrave qui embrasse chaque ponton que nous abordons et se trouve donc bien abîmée.
- Installation d'une échelle suffisamment longue et résistante nous permettant de descendre dans l'annexe ou nous baigner sans faire l'acrobate.
- Installation d'une table dans le cockpit.
Et surtout :
- Carénage (nettoyage et peinture de la partie sous-marine) et ponçage, masticage et peinture de la coque et du pont que la rouille commence à ronger.

Seul nous manque le courage devant cette masse de travail mais il faudra bien le trouver!
Mercredi 22, alors qu'on nous annonçait 15 jours d'attente, le grutier vient nous chercher.

Un peu trop vite à notre goût mais c'est la saison des carénages des bateaux de pêche.
Et le résultat est magnifique !

Il y a une place disponible, nous devons en profiter puis nous aurons 8 jours pas un de plus!

Il nous faut juste trouver les poutres pour le poser. Et pour cela aucune autre solution que de payer (ici tout se paie!) le "responsable" (?!) qui s'en occupe.
Nous parvenons à descendre le prix de 80 à 60 dinars (soient 40 euros), une somme tout de même pour les quelques rondins branlants que ce vieil homme et ses aides amèneront sans même savoir comment les placer!

Midi … Ouf! …
Sous nos regards inquiets et sous la vigilance et les "coups de gueule" du grutier très compétent, lui, Vent de Folie est posé.
Immédiatement une foule entoure le bateau, l'un prenant un racloir pour "attaquer" les coquillages ayant élu domicile sur la coque, l'autre le Karcher….

Rémy descend:
        "Oh, Oh! STOP! Je ne compte pas embaucher tout Kelibia!" (surtout après renseignement pris sur les tarifs demandés). On arrête tout!... NOUS faisons les travaux! "

Seul Habib sera autorisé à nous aider … mais pour l'instant il s'avère invisible.

Ce dernier nous ayant assuré que nous pourrions disposer d'eau et de courant, nous cherchons où nous brancher. Commence alors la "prise de tête".
Nous trouvons enfin un robinet qui fonctionne mais pour le courant… rien en vue!
Si nous voulons une prise ou plutôt un branchement, (de toute part, des fils à nu reliés par quelques dominos traînent au milieu des flaques d'eau), c'est 5 dinars par jour payable au soudeur à qui tout semble appartenir (le Karcher étant à lui il demandait déjà 40 dinars), alors que nous payons déjà notre place à sec!

Rémy commence à s'énerver.

Il parcourt toute la zone, ses rouleaux de fil à la main, entre chez les gardes nationaux... 2 heures et 100 mètres de rallonge électrique plus tard, nous sommes enfin branchés et lorsque les ouvriers découvrent notre rouleau de scotch isolant, ils ne peuvent plus s'en passer!

Tenue de combat, les travaux peuvent commencer.

Je ne vous décrirais pas combien l'on a poncé, gratté, frotté, passé de couches d'anti-rouille, de mastic, de peinture... les photos parlent d'elles mêmes, puis vous découvrirez, comme nous, le résultat!

Je me contenterai de quelques anecdotes très significatives :

Le cousin mécanicien arrive. Nous souhaitons changer un joint sur le moteur (joint tournant de l'arbre d'hélice): "Pas du problème. Ji peux faire. Ji suis un très bon mécanicien… ti va à Hammamet acheter la pièce passqu'ici y'a pas, moi ji change … en même temps ti trouve le turbine pour le hors-bord ".

Le soudeur doit redresser la jupe arrière et y souder 2 plaques d'acier, allonger et fixer notre échelle de bain ainsi qu'installer une plaque d'inox pour protéger l'avant. Tout cela était convenu par avance.
Nous apprenons tout d'abord qu'il nous faut aller chercher l'ouvrier au village.
Pour l'échelle, les tubes sont trop fins il ne peut pas les souder.
Pour la plaque nous devons la trouver nous-même et aller acheter les baguettes de soudure.

Rémy devra même par la suite ébarber lui-même les plaques d'acier et nettoyer les soudures.


Il se fâche vraiment :

"Si vous veniez en France, allez au resto, commandez un steak frites,
et
qu'on vous envoie acheter le steak!!????".

La comparaison est excellente mais il aurait pu ajouter "les couverts"!

Grâce à ce cher et indispensable (quoique susceptible et fier) Habib qui fait l'intermédiaire, nous trouvons la plaque et les baguettes.

Le soudeur qui nous est envoyé est "nul", l'outillage est rudimentaire.

Le compteur saute dès le 1er branchement et lorsqu'il souhaite nous emprunter notre ponceuse, c'est Rémy qui cette fois disjoncte.

Habib passera toute la journée à l'aider, le conseiller et même à maintenir les fils dans les dominos (?!) pour obtenir un travail des plus douteux et pas très beau. Bref!

... Avec notre chance habituelle, alors que le temps était magnifique jusqu'alors, depuis que nous sommes à sec, il pleut (heureusement souvent la nuit) et le vent ne nous laisse pas en paix!

Quant à Habib, il vient épisodiquement et n'en fait qu'à sa tête… et comme sa tête lui commande de ne pas faire grand-chose … !

Il n'aime pas beaucoup le papier "parasite" (comprendre abrasif). Il s'est pris d'une adoration pour la meuleuse qui nous sert de ponceuse et avec laquelle il ponce tant que par endroit même la peinture de protection de l'acier a disparu.
Quant à la meuleuse, elle risque fort de ne pas survivre à ce carénage!

Il adore également notre peinture anti-rouille (orange). Alors que nous sommes en cours de ponçage (à la main, nous!), si nous avons le malheur de quitter notre "poste", sans même se soucier si la rouille a été traitée ou non, il se précipite avec son pinceau.

Le pont du bateau semble avoir attraper la rougeole.

Après quelques jours, voyant la quantité de travail que nous "abattons" Rémy et moi, il nous proposera même de lui payer un forfait pour la fin des travaux plutôt qu'un salaire journalier.

Pendant ce temps, Candice étudie seule une partie de la journée et s'échappe ensuite retrouver ses amis (déjà nombreux), crayon et papiers plein les poches : elle a décidé d'apprendre l'arabe.
Beaucoup de jeunes ne parlent pas le français, elle utilise donc aussi l'italien que nombre d'entre eux connaît.

Elle profite allègrement de l'occupation de ses parents mais sous surveillance.

Ici, les policiers ne plaisantent pas avec les filles (une gifle donnée à une fille coûte pas moins de 8 ans de prison), surtout étrangères et plus encore mineures.
Comme les gardes nationaux ont leur poste sur le port, ils surveillent eux même ses fréquentations. Si la nuit tombée des jeunes gens l'accompagnent dans le port, ils sont emmenés au poste afin de décliner leurs identités.

Et tout Kelibia sait que notre fille n'a que 14 ans?!
Nous sommes donc tout à fait rassurés.
A ce propos, la Tunisie semble avoir beaucoup évolué. La mode est la même qu'en France et les jeunes, même les filles, sortent et se retrouvent entre amis.
Seuls les bars sont rarement fréquentés par les femmes.

… Dimanche 26, l'antifouling (peinture de la partie immergée) et le ponçage extérieur sont terminés, nous commençons la peinture de la coque.

Après quelques jours de travail acharné, il semble que nous ayons gagné la sympathie de nos voisins de chantier.
Alors qu'ils me lançaient des regards suspects sans faire un signe de tête pour dire bonjour, ils me saluent désormais très courtoisement.
Certains (ceux qui ne passent pas la journée les bras croisés à regarder les autres travailler) viennent même parfois m'aider à pousser et tirer l'énorme "machin" en tôle rouillée qui me sert d'échafaudage!

Comme la plupart d'entre eux connaît très peu le français, à ceux qui demandent ce que signifie le nom de notre bateau, nous tentons de traduire :
"Vent maboul".


Ils sont alors surpris que nous connaissions quelques mots arabes. Pourtant nous en connaissons encore bien d'autres : kif-kif, toubib, guitoune, merguez … !!!

Plus sérieusement, savez-vous que nous avons des centaines de mots d'origine arabe dont :

algèbre (al-jabr), chiffre (sifr = zéro), alcool (alkuhul), sucre (sukkar), alchimie (al-kîmyâ), amiral (amiru-l-bahr "prince de la mer"), coton (kutn), mohair (mahîr).
Et encore plus surprenant : abricot (al-barkûk), banane (binân), cerise (karaz)…

Mais revenons à nos moutons
(et ici certains les promènent en laisse. Nous n'avions pas l'appareil photo ce jour là. Dommage!).
Un jour donc, l'adorable et généreux Hisham, aussi vaillant que petit (je l'ai rebaptisé Charlie Chaplin!) et méritant sa réputation de travailler comme 10 hommes à lui seul, me rejoindra sous le bateau.
Me prenant le rouleau des mains il terminera de peindre à ma place la moitié de la coque en 10 minutes!
Comment trouvez-vous le bleu tunisien? Moins salissant nous l'espérons!

Il nous offrira ensuite, régulièrement, des sardines.

Quelques jours plus tard il me propose même d'aller prendre une douche chez sa maman. Une douche après une semaine sans pouvoir réellement se laver, alors que le peigne ne parvient plus à entrer dans les cheveux…

Imaginez ma joie!

Nous serons aussi invités à manger un couscous chez un capitaine de chalutier: "Je vous observe travailler tous les jours et vous ressemblez beaucoup à ma mère"… (Charmant… il doit avoir dans les 55 - 60 ans!!!)… et je vous porte une haute admiration".

L'idée d'un bon couscous maison après les travaux nous ravit!

Après ce grand toilettage,...

... notre est méconnaissable. Il fait l'admiration de tous les passants.

Nous sommes très fiers.

Bon, le nom… je vous l'accorde… est un peu grand. Comme dit Rémy :"ça fait un peu mégalo".

Un "spécialiste" sur la zone technique, un peu gâteux mais très gentil, m'ayant proposé "un bon prix Midame, très très bon prix!" et mes bras étant quelque peu ankylosés, je me suis laissée tentée.

Le test était qu'il reproduise tout d'abord le style que nous souhaitions sur un carton.
Test réussi.

L'ombre des lettres (qu'on ne distingue pas sur la photo car le jour de la mise à l'eau, il faisait très beau… comme par hasard!) est même une agréable surprise.

Topons-là!

Nous avons juste oublié de le surveiller quelques instants.

Les tunisiens n'en faisant toujours qu'à leur tête (Habib n'étant pas une exception), nous aurions pu nous retrouver avec une inscription de 12 mètres de long.

Nous l'avons échappé belle!

Mais c'est pas mal quand même, non?

Vendredi 3 mars - Remise à l'eau :

Nous n'avons pas encore terminé, nous devons encore peindre le pont. Mais ce sera sur l'eau.

8 heures, la grue arrive, le café attendra…

Le bateau est levé, nous descendons la dérive. Nous avons ½ heure pour en gratter les coquillages, changer les anodes (pièces de zinc évitant la corrosion) et passer l'antifouling.

Nos voisins (Hisham et son collègue) viennent aussitôt nous y aider, encouragés par leur patron qui lui, comme chaque jour, garde les mains dans les poches (en Tunisie le travail des patrons consiste uniquement à surveiller les employés - c'est tout. Je n'ai pu m'empêcher, un jour, d'ironiser en le mettant en garde de ne pas trop user ses poches. Il a beaucoup d'humour puisqu'il ne m'en a pas tenu rigueur mais il est surtout très gentil)…

Et cette aide précieuse nous a beaucoup touchés
retourne sur les flots :

Quant à moi, je vais enfin prendre ma "fameuse" douche.

Hisham m'emmène en fait chez sa sœur Raoudha et ses 4 enfants dont Lilia, 19 ans, passionnée par la France et s'exprimant dans un excellent français.

On me souhaite la bienvenue. Je suis alors traitée comme une princesse.

On me fait couler un bain chaud, sur fond de musique française "afin que je me sente chez moi!".
Chacune se soucie de savoir s'il ne me manque rien. Je devrai même refuser qu'elles lavent mon linge sale.
Devant tant de gentillesse et de prévenance, mon émotion est telle qu'un nœud me serre la gorge.
Hisham, que je qualifierai de "Grand bonhomme", me laisse en de bonnes mains et repart au travail.

Après ce bon décrassage, on me fait asseoir sur le matelas du salon, me couvrant les jambes d'une couverture pour que je n'aie pas froid et l'on m'offre un café.

Mais cela ne suffisant pas, je suis invitée à partager un excellent couscous (dont la semoule elle-même, trop chère dans le commerce, est fabriquée à la maison), du jus de fruit maison, un thé avec des cacahuètes grillées…

Je n'ai pas roté allègrement comme la coutume m'y eut autorisée, mais le cœur y était!

Le frère, la maman et la tante d'Hisham et Raoudha, ne cachant pas leur curiosité de faire la connaissance de la française, arrivent.
Le frère vient m'offrir son dernier Kaak* (pâte croustillante fourrée de pâte de dattes. Succulent).

Les Kaak sont fabriqués de manière traditionnelle, en famille, spécialement pour le Ramadan.

Les 2 garçons de Raoudha cèdent la place à leurs 2 aïeules et nous nous retrouvons entre femmes.

Celles-ci sont ravissantes, vêtues du costume traditionnel, robes turquoise, dentelles et voiles écrus, maquillées et parées de beaux bijoux. Les yeux pleins de malice et d'une humeur toujours joyeuse, elles m'observent ouvertement tout en riant.

Nous partageons moult fous rires lorsqu'elles m'apprennent à mettre du "Kohl" sous les yeux, me drapent du "Safsari", me proposent de rester quelques temps avec elles afin de devenir une vraie tunisienne faisant même la prière, riant comme des petites filles quand elles se voient en photo sur le portable de Lilia.

Mon seul regret est de ne pas avoir osé emporter mon appareil photo. Elles auraient été ravies.

Lorsque la voiture revient me chercher, elles ne me laissent pas partir. Je reste alors encore une partie de l'après midi avant de les quitter (Hisham revenant me prendre en taxi), le sac plein de petits cadeaux, du couscous et de la "Meloukhia" (sauce verte préparée à base de plantes accompagnant le mouton, le bœuf ou la poule) pour ma famille et avec la promesse de recevoir, dans une semaine, un magnifique pull en "diamsi*" (laine fine et très soyeuse) que Raoudha a commencé pour Lilia et qu'elle terminera pour moi.

(* l'orthographe de ces mots arabes ne correspondant pas forcément à la transcription conventionnelle.)

Lilia m'apprend également à connaître un peu mieux son pays.

Par exemple qu'il est interdit aux jeunes filles de porter le voile (certaines se coiffent uniquement du foulard), notamment dans les écoles (tiens, tiens! Ça me rappelle quelque chose!), ceci étant juste toléré pour les anciennes.
Que la répression est importante (mais nous le savions déjà et la surveillance continuelle que l'on ressent ne peut que le conforter) mais qu'en même temps c'est le seul pays arabe où la femme est totalement libre de travailler, de sortir avec des amis comme bon lui semble.

Lundi elles m'emmènent au souk et je suis bien entendu conviée à revenir quand je le souhaite.

Durant ces quelques heures, il m'a semblé être une fille de la famille revenant à la maison après des années d'absence.
Ces quelques heures ont été pour moi l'un des plus merveilleux moments depuis notre départ pour ce tour du monde.

Comment des gens qui ne me connaissent pas peuvent-ils m'avoir reçue avec tant de générosité, de sincérité et de joie ?

L'hospitalité arabe est en fait légendaire.

Chez les bédouins elle était même un devoir sacré.

Lorsqu'on recevait quelqu'un, on lui offrait le gîte et le couvert et éventuellement sécurité contre des poursuivants éventuels. C'est seulement au 3ème jour qu'on lui demandait son nom et les raisons de sa venue.
On se privait pour le nourrir, si besoin était, et l'on s'exposait au
danger pour le défendre. Cet engagement valait également pour les objets.

La formule rituelle est "ahlaN wa-sahlan" (tu as trouvé une parenté et tu es accueilli dans la plaine - hors du danger de la montagne), il s'agissait là d'un "contrat sur l'honneur".

Cette hospitalité répondait sans doute aux besoins de la vie dans le désert.
Elle semble perdurer, tout au moins dans les campagnes et j'ai eu l'honneur et la joie d'en bénéficier.

J'irai, quelques jours plus tard, chez Fafa, la maman de cette grande famille. . .


. . . qui m'apprendra à cuisiner la Meloukhia, le Kefta (andouille aux légumes, épices et parfois viande).

Puis de nouveau chez Raoudha qui tient à ce que je passe toute une journée avec elles et les enfants et m'apprendra à préparer : Loubia (haricots blancs, poulet, tomate et "poudre rouge" c'est-à-dire poudre de piment), Hassida (pâte de farine, eau, sucre huile et "poudre grise" (?)).

Ou encore la sauce pour macaroni avec tomate, "poudre rouge" et "poudre jaune" (curry) et le délicieux gâteau avec "poudre noire" (?), huile d'olive, noix ou cacahuettes concassées.

Nous attendons "qu'Allah nous envoie le soleil" pour que Fafa et sa sœur me montrent la fabrication du "Rhobs taboun" (pain galette cuit dans la cour sur un feu de bois) que Rémy adore.

Qu'est-ce qu'il n'adore pas d'ailleurs dans la cuisine tunisienne dont il profite à chacun de mes retours?

Chacune des sœurs et belles-sœurs souhaitera me recevoir chez elle (dans le même quartier) et chaque jour l'accueil sera le même.
Nous bavardons, tentant de nous faire comprendre par des signes (Lilia est repartie à l'université) devant un thé ou un café arabe.

De temps en temps un des enfants (tous les cousins et cousines se retrouvant dans la cour de la maison après l'école) fera une apparition, ravi de faire l'interprète (*) et je repartirai toujours avec un reste de plat pour ma famille.

Les enfants exprimeront une joie de plus en plus grande à chacune de mes visites, les petites filles ne me lâchant plus la main, les garçons insistant pour que je joue au foot ou se moquant de mon accent lorsque je prononce certains de leurs prénoms arabes.

Les langues se délient, ceux qui n'osaient pas s'exprimer en français sont désormais ravis de me montrer qu'ils connaissent ma langue et m'écrivent même des poèmes en français décorés de jolis dessins.
(* les enfants apprennent le français à l'école dès la maternelle mais seuls ceux le pratiquant à la maison ou poursuivant leurs études semblent parvenir à maîtriser cette langue difficile.)

Je ferai la connaissance de toute cette nombreuse et merveilleuse famille
qui chaque fois me retiendra un peu plus longtemps.


Un jour Raoudha me fait même une proposition : "tu laisse mon fils (voulant dire "ton mari") partir sur bateau et toi habites chez moi!"

Je suis de plus en plus intriguée quant aux raisons de cet accueil.

Lorsque je lui demande pourquoi elles sont si généreuses avec moi : (montrant sa sœur près de moi) "elle est ma sœur et toi t'es ma sœur. Maman deux filles, toi troisième!"

Est-ce toujours ce grand sens de l'hospitalité, sont-elles honorées qu'une française vienne leur rendre visite ou est-ce tout simplement la naissance d'une profonde amitié?

Mais pendant que je passe mon temps à prendre le thé et papoter,
où en sont nos travaux ?

Tout d'abord, nous sommes totalement déconcertés.

Le lendemain de la mise à l'eau, alors que nous avons passé soigneusement 3 couches de bleu, à chaque emplacement où frottent les défenses, la coque est déjà blanche.

Que se passe-t-il? Avons-nous fait tout ce travail pour rien?!

Habib pense que la cause est l'humidité. Rémy se demande si le problème ne vient pas d'un ponçage insuffisant (?!)…

Si l'un d'entre vous a une explication, elle sera la bienvenue!

Pour cette fois il est trop tard mais nous savons déjà que nous devrons recommencer bientôt, nous comptons donc sur vous…!

Quant à travailler sur le pont il n'en est pas question ces jours-ci.


Une tempête secoue tout le port avec un vent de force 8 et la météo signale une mer "Très grosse" (c'est rarissime en méditerranée. Il n'y a pas plus fort).
Des dizaines de chalutiers et de cargos ont jeté l'ancre à l'entrée du port afin de se protéger derrière le Cap Bon. Impressionnant!


Nous mettons donc "à profit" cette journée de froid, de pluie et de grêle pour aller au centre commercial Carrefour, à La Marsa, après Tunis.


Pour cela le meilleur moyen est de prendre une "voiture de louage", à la station du même nom à Kelibia.

Ces voitures, pouvant transporter 8 passagers, prennent le départ lorsque qu'elles ont "fait le plein". Les tarifs sont fixes et affichés (5 dinars par personne pour 122 km… "Corrrrrrrrect" comme dirait Habib!). Presque 2 heures plus tard, nous sommes à Tunis.

Là, nous avons le choix entre le bus, le "métro" (il s'agit du tramway) ou le taxi.

A Kelibia chacun prend facilement le taxi pour aller du village au centre ville. A 400 millimes (26 centimes d'euros) par personne le trajet on ne saurait s'en priver. Encore faut-il le savoir par avance car ils demandent 2 Dinars aux touristes….

Toujours les fameux pigeons!

Mais à Tunis c'est bien plus cher.

De plus, dès notre arrivée, nous sommes harcelés par tous les chauffeurs désireux de nous faire visiter Carthage et Sidi Bou Saïd… avec ce temps?!
Aucun ne veut nous déposer en ville directement… pénible!

Nous pénétrons dans les petites rues de la ville afin de trouver un de ces "boui-boui" où l'on peut déguster les excellents sandwiches tunisiens (avec des mélanges de légumes, sauce tomate, épices…) et les briques que nous adorons (feuilles de pâte croustillante farcies de thon, persil et œuf mollet).

Notre recherche des produits locaux cessera avec un orage de grêle et nous devrons nous passer des excellents "makroud" (gâteaux de semoule, miel et dates) dont nous faisons une cure ou des savoureux "youyou" (gâteaux en beignet au sucre, œufs et miel) que nous avions goûté à Kelibia.

La cuisine et la pâtisserie tunisienne étant un régal, nous allons prendre 15 kilos!!!

Bien sûr dans ces petites "boutiques" il ne faut pas s'attarder sur l'hygiène. C'est un mot qu'ils semblent ignorer, quant aux contrôles sanitaires ??!".
Mais, vue la dose d'harissa badigeonnée sur le pain (et que nous aimons autant qu'eux) il y a peu de chance que les bactéries se développent!

Petite anecdote : un jour que nous goûtons un cake industriel, Rémy lit la composition : "Farine, sucre, lait en poudre, … Arômes identiques natures" !!? Cette mention étant portée sur la plupart des produits emballés.

Nous tentons ensuite de trouver un bus pour le centre Carrefour.

Tous, même au bureau d'informations touristiques, nous disent qu'il n'y a pas de bus. Il faut prendre le taxi.
C'est ne pas connaître l'entêtement de Rémy qui, après quelques kilomètres dans les rues de la ville, trouve en effet LE bus allant à La Marsa!
Celui-ci nous déposant 3/4 d'heure plus tard et serrés comme des sardines, à 300 mètres du centre commercial.

Nous rentrons frigorifiés et exténués, les sacs pleins mais hélas sans les livres de lecture que nous étions principalement venus chercher, notre bibliothèque étant déjà épuisée.

Dans les rayons nous sentons un contrôle rigoureux visant à n'offrir que les grands auteurs classiques, à part quelques romans "à l'eau de rose" et des livres dénonçant les "affaires" américaines, mais surtout aucun livre ou jeu informatique provenant des États-unis ou du Japon.

Ceci dit, pour les jeux comme pour la musique, les copies étant si ce n'est légales, tout au moins autorisées (certaines boutiques affichant clairement "gravure de CD" et ce au prix de 1,5 dinars, soit 1 euro la copie mp3), les jeunes doivent se "débrouiller".


Quant à Candice, ayant préféré rester faire ses devoirs et surtout retrouver ses amis,
elle n'est toujours pas rentrée.

Après quelques minutes d'angoisse, nous apprenons qu'elle est invitée à dîner chez ses amis où elle a encore passé l'après midi, adoptée depuis quelques jours par les 6 enfants de 14 à 21 ans et la maman qui, tous, l'adorent et ne veulent plus nous la rendre.

Elle apprend à manger avec les doigts (de la main droite, la gauche servant exclusivement à ce que vous pensez!) et le pain (la cuiller étant parfois utilisée pour la semoule ou les pâtes) et apprécie beaucoup la cuisine arabe.
Ils échangent leurs connaissances sur leurs modes de vie respectifs. Elle les fait rêver avec nos projets de voyage, ils l'initient à la Break Dance ou au roller...

Elle semble vraiment heureuse et nous sommes ravis qu'elle vive ainsi au cœur de la civilisation tunisienne.

Bon. Et ces travaux, ils sont terminés oui ou non ?

Et bien non!


Le 9 mars, nous avons une éclaircie mais de très courte durée.
La tempête recommence (cette fois c'est force 9) aussitôt le ponçage du pont entamé.
Donc, à suivre…


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